La musique peut nuire à la santé auditive. Quand elle est trop forte
notamment, mais pas uniquement. Les sons surcompressés, une pratique
apparue avec la musique amplifiée, peut aussi être responsable de
dommages sur notre système auditif.
Selon l’OMS, plus d’un milliard de jeunes (de 12 à 35 ans) risquent de souffrir de pertes
auditives dues à l’exposition au bruit lors de loisirs dans les concerts, en boîte de nuit ou en
écoutant de la musique au casque.
Les résultats d’une étude montre qu’une exposition à la musique surcompressée, les
capacités auditives n’étaient pas affectées mais les neurones auditifs ont durablement
perdu en efficacité.
Le problème pour la santé auditive de cette compression ? « A force de retirer des silences,
mêmes pour des durées extrêmement courtes, le système auditif ne peut plus récupérer »,
indique le Pr. Avan, professeur de biophysique à l’université de Clermont-Auvergne.
L’Institut YouGov dévoile les résultats d’une étude sur les habitudes d’écoute des
Français et leur santé auditive.
Selon cette enquête, menée pour la plateforme de streaming Qobuz, 73 % des 18-24 ans
déclarent avoir une écoute à risque, « prolongée et à haut volume » – ils sont 62 % dans
la population générale.
Les plus jeunes paraissent toutefois plus sensibilisés que leurs aînés à l’impact de la
qualité sonore sur la santé auditive : 66 % reconnaissent le lien de cause à effet quand
seulement 54 % de la moyenne générale en a conscience.
Selon l’OMS, plus d’un milliard de jeunes (de 12 à 35 ans) risquent de souffrir de pertes
auditives dues à l’exposition au bruit lors de loisirs dans les concerts, en boîte de nuit ou
en écoutant de la musique au casque. Le volume sonore est évidemment en cause mais la
compression du son y participe aussi.
La compression du son, c’est quoi ?
« Il s’agit de compression dynamique – la différence entre le son le plus fort et le son le
plus faible – et non de compression des fichiers. Cette compression est héritée de
l’avènement de la musique amplifiée et de l’enregistrement (fixation du son, micro,
instruments électriques, ndlr) », explique le Pr. Paul Avan, professeur de biophysique à
l’université de Clermont-Auvergne qui a étudié l’impact de cette musique compressée
sur le système auditif.
« Cette pratique a ensuite permis d’augmenter la portée des ondes radio. Aujourd’hui
inutile avec la musique numérique, le son compressé est toujours utilisé pour empêcher
des sons parasites d’interférer avec les sons pertinents », explique le biophysicien,
directeur du Centre de recherche et d’innovation en Audiologie humaine (Ceriah) à
l’Institut Pasteur.
En visioconférence, sur les plateformes, à la radio, la télévision
La musique alterne entre des sons faibles et des sons plus forts. Lorsqu’il s’agit de sons
faibles, ceux-ci peuvent être couverts par des bruits parasites, comme la circulation, une
foule, le moteur d’une voiture…
« Les diffuseurs et ingénieurs ont alors eu l’idée de remonter les sons dès lors qu’ils sont
inférieurs à un certain niveau de décibels. Ainsi, le choix délibéré est de retirer tous les
silences afin que le bruit environnant ne puisse plus s’infiltrer dans les moments de
silence », précise Paul Avan. Le son est également plus homogène : finis les sons très
forts et ceux très bas.
On retrouve ce procédé dans les publicités, à la radio, en utilisant son smartphone, sur
certaines plateformes musicales en streaming. Parmi les sons dernièrement
compressés : la parole.
« En visioconférence, la plupart des plateformes compressent le son, de sorte que quand
vous avez la parole, on n’entend plus que vous. Le niveau de la parole est amplifié mais
aussi la respiration, les bruits de bouches, et l’ensemble des bruits environnants »,
explique le Pr. Avan.
Le problème pour la santé auditive de cette compression ? « A force de retirer des
silences, mêmes pour des durées extrêmement courtes, le système auditif ne peut plus
récupérer », ajoute le spécialiste.
Les neurones auditifs endommagés
Pour connaître l’impact de la musique compressée, lui et son équipe ont exposé des
cochons d’inde – qui ont un système auditif proche de celui de l’Homme – a une
musique surcompressée, au niveau sonore autorisé en boîte de nuit (102 dB), durant 4
heures. Un autre groupe a été exposé au même morceau, aux mêmes décibels, mais non
compressé.
Résultats : dans le groupe exposé à la musique surcompressée, les capacités auditives
n’étaient pas affectées mais les neurones auditifs ont durablement perdu en efficacité ;
l’autre groupe a récupéré ces capacités en quelques heures seulement.
« La capacité du réflexe acoustique (qui protège l’oreille interne du bruit, ndlr), dirigé
par le cerveau, avait diminué de moitié durant une semaine entière. Une semaine sans
récupérer ces capacités pour seulement 4 heures d’exposition signifie qu’il peut s’agir
de lésions et pas simplement de fatigue auditive », avance le scientifique. « D’autres
neurones ont également pu être endommagés, mais on ne sait pas tous les mesurer ».
Certains types de musiques plus que d’autres
La majorité d’entre nous ne se rend pas compte qu’il est soumis au son compressé, en
écoutant de la musique ou lors d’une visioconférence. « Mais on a parfois cette sensation
d’épuisement, cette impression d’être en excès de travail, de sollicitation. », décrit le
scientifique.
Une nouvelle étude, également menée par Paul Avan et son équipe, montre qu’outre la
compression, certains types de musique provoquent l’épuisement du système auditif
quand d’autres non. Rien à voir avec le fait qu’il s’agisse d’un morceau de classique, de
rock, de métal, de jazz ou de rap.
« C’est la richesse de la palette spectrale qui entre cette fois en ligne de compte. Et
notamment les morceaux où on trouve beaucoup de médiums, de graves et d’aigus sur
diverses pistes sonores. »
Reste encore à déterminer précisément ce que contient une partition qui pourrait
endommager le système auditif.
Dauphiné libéré 23/01/2024- En partenariat avec Destination Santé
